Pour elle …
L'immensité du bleu de la mer dans ses yeux

Egarée en son être
Elle ne sait plus
Ne voit plus
N’entend plus

Sa terre minée
Elle s’enferme
Disparaît d’elle-même.

Elle se lance des mots durs
Comme des petits cailloux.
Sous sa carapace
Ne ressent plus les blessures.

Ses minutes réduites au silence
Ses pas à l’abandon
Son âme figée, son souffle radié
Elle n’est plus que l’ombre de son souvenir.

Celle qui a encaissé les coups
Donné sans mesure
Tendu la main,
Dit les mots qui tissent le courage.

Elle le sait,
Elle le savait.
A force de s’oublier
S’est perdue en chemin.

Au détour de ses vies
S’est cherchée
A fait connaissance
Avec une elle-même inconnue et connue.

Tourne le manège
Sans répit.
Etourdie de ses jours, de ses nuits
Frappée d’échos silencieux,
Elle ne reconnaît plus le rythme de ses pas.

Vaste espace en elle, autour d’elle.
Sans barrière, sans issue
Sa liberté est prison.

Dans les abysses de son être,
En apnée
Sans repères.
Elle ferme les yeux.
Abandonne ce qu’elle n’a pas saisi.

Ressent douloureusement
Le manque de ce qui n’est plus.
Pressent l’oubli

Tente de retrouver le parfum des choses
Le timbre des voix disparues.
La caresse des regards aimés
Des êtres perdus trop tôt.

Aimerait tant retrouver la joie fragile
Le murmure des rêves effacés
De la petite fille
Toute de lumière et de tendresse.

Le frisson du vent dans les arbres
Effleure son errance.
Le poids de son corps
Dépose son empreinte
Sur le cahier des jours.

Le chemin s’est égaré
N’a pas disparu pour autant.
Elle le sait
Sous ses pas le sentier s’est effacé
Elle le sait
La rivière en a imprimé le souvenir.

Se remémore ce pays étranger
Cette parcelle oubliée
Ruine éclatante et lumineuse
De l’amour d’elle.
De l’amour d’elle.
De l’amour d’elle.

Timidement elle saisit la main
De celle qu’elle n’est pas
De celle qui lui échappera toujours.

S’exerce à lui donner corps
Sans reproches.
Sans reproches.
L’amour d’elle.

Elle que je ne connais pas,
Je l’ai rencontrée
Quelque part dans le présent.

Je l’ai vue là, où elle est
Les pieds plantés dans l’humus, l’eau,
Le souffle, la tempête, les couleurs,
La création, la joie.
Vivante !
L’immensité du bleu de la mer dans ses yeux.

Anne-Marie André