En chemin... Marcher en confinement

J4 - Avant cela

Je n’y tiens plus.
Mes pieds aimeraient prendre le large.
Sortir.
Aller en ville. Bêtement.
Croiser le regard printanier des gens heureux.

Mais…

Notre regard était-il saisi par la beauté du printemps
Revenu comme un amoureux ?
Etions-nous à ce rendez-vous,
Eveillés aux chants des oiseaux
A l'écho de la douce brise, du silence de la lumière ?

Avions-nous le souffle coupé quand nos yeux se perdaient
Dans les crépuscules enflammés ?

Tout semblait si évident.

Que le jour succède à la nuit
Que les saisons s'additionnent au fil des années
Que la vie s'éparpille dans tous les interstices de nos mondes
Que les rires et les cris meublent les places publiques
Que les parcs résonnent des jeux d'enfants.

Tout semblait donné à jamais.

Et voilà,
La roue s'est emballée à force d'être détournée du sens
Le monde est en panne à force d'avoir été roulé dans tous les sens.

Et voilà,
La vie parfois trop bruyante
Est devenue trop silencieuse.

Et voilà.
Le monde s'est enfermé à double tour.

Et moi dans mon chez moi.
Et eux dans leur chez eux.
Et eux dans leur chez eux à ciel ouvert
Sans abri pour échapper à l'ennemi invisible.

Et voilà.
Je repense au bonheur de mes pas sur le chemin de Compostelle.
Je me savais heureuse même quand j'étais au bout de mes forces.
Je n'imaginais pas combien ce bonheur-là était précieux, rare, à chérir.

Aller où bon me semble,
M'arrêter au seuil d'une rivière
Echanger quelques mots d'encouragement avec des inconnus
Sans nous soucier de la distance réglementaire.

Partager le repas autour d'une table généreuse
Avec des pèlerins par dizaines contaminés par la passion du chemin
Ignorants bienheureux de la cartographie du confinement qui sonnera en mars 2020.

Alors voilà.
Le rougeoiement du ciel, le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux,
Mon pas dans les escaliers, la préparation du repas, le lever, le coucher…
Tous ces miracles successifs d'une vie
Me rappellent comme jamais qu'ils sont à savourer, à étreindre, à vivre pleinement !

Alors voilà….


Extrait "A world apart" Levon Minassian
Retour

Pour s'abonner :

*Champ obligatoire