Un aigle

Comme un ruban ocre déroulé sous mes yeux
Le sentier s'offre à mes pas
Me voilà en chemin pour Compostelle
Sur la voie du Célé,
En Terre de Causse dans le Quercy.
Région de pierres se déclinant du rose au gris

Dans un livre d’histoire
Grandeur nature
Les sombres grottes de Pech Merl
Dévoilent des peintures rupestres
Aux traits dépouillés et secrets

Des maisons troglodytes creusées dans la roche
Interrogent, émerveillent.
L'histoire se donne en vertige.

Je suis seule.
Le village que je traverse ne laisse échapper aucun bruit.
La vie semble s'en être retirée.

Au détour du sentier accroché aux falaises
Me surprend une forêt dense.

Les arbres assoiffés
Se tordent en cherchant la lumière.

Traversée par le silence
Je m’y enfonce.

Une musique s'invente en mes profondeurs
Mon souffle en mélodie se déplie
Mon cœur en doux battements
Etreint cette femme que je suis.

Une sensation d'immense liberté
Rythme lentement mon avance
A l'étroit entre les arbres
Mon pas est interrompu
Par le bruissement de la forêt

Alors, dans l'espace restreint de ce bois confiné
Ma tête se redresse
L'immensité m'est offerte

Je ferme les yeux
Et me perds dans le ciel.
Mes ailes se déploient, le vent me porte
Je suis un aigle, l'infini me capture
Je vole, je vole, je survole

La beauté se saisit de mon âme
La musique, la danse
Me soulèvent

Je suis un aigle

En moi
Se brisent les frontières
Sautent les verrous
Echoue mon regard baigné de larmes

Je me réalise si grande et si petite à la fois
Si forte et si fragile.
Déposée comme ombre et lumière
dans les empreintes du monde

Le chemin fissure mes certitudes
Mon souffle s'aventure dans ces brèches à fleur de vie
Un murmure d'une infinie douceur se mue en chant

Je suis celle que je suis
Ma liberté tient dans cet espace
Minuscule et infini
Creusé au cœur de mon être.

"Un aigle" Texte, voix et mixage, Anne-Marie André
Musique de fond : "A world apart" Levon Minassian